Article : Annabelle Lacroix
Pascal Allard a frappé de plein fouet la musique country au Québec avec sa chanson « Je voulais marier Renée Martel » sortie en 2017 sur l’album portant le même nom. Depuis, il a lancé deux autres albums à son nom, réalisé et écrit l’album « Courtepointe » de Manon Bédard, animé l’émission « Le country de Drummond » sur les ondes d’ICI ARTV, et bien plus! Bien qu’il soit présentement en pause professionnel, nous avons eu la chance de lui parler pour en apprendre davantage sur lui et sa carrière.
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Tu es originaire de Drummondville au Québec, une ville où tu dis retrouver un son particulier lié à la musique country. Tu as même inventé le terme « Country de Drummond » pour représenter cette musique. Que veux-tu dire exactement?
J’ai une formation en histoire, donc j’ai le réflexe d’analyser les données dans un temps et de voir les caractéristiques communes. Ça m’a toujours intéressé, surtout avec mon métier de musicien. Je trouvais qu’il y avait des particularités dans la musique country de Drummondville qui sautaient aux oreilles. Le premier, c’est Marcel Martel. Mais, par la suite, on a rapidement fait un country un peu « hybride » où on allait chercher des éléments pop et rock and roll. Renée Martel, Les Frères Bessette, Gaston Mandeville, c’est exactement ça! Gaston, sa façon de raconter des histoires, c’était typiquement country dans ses chansons pop.
Il y a aussi une attitude un peu bon enfant et baveuse en même temps. Quand on regarde Marcel Martel, c’était quelqu’un d’extrêmement discipliné, voire même sévère! Quand Les Frères Bessette travaillaient avec lui, ils avaient intérêt à mettre leurs beaux habits et à être « drette »! Ha Ha! Mais, malgré tout, il a toujours un petit sourire en coin un peu taquin sur ses pochettes d’album. […]
Y’a aussi une autre affaire que j’ai remarqué dans le « Country de Drummond » : on a tous des influences majeures de groupes country californiens. Cette musique-là a exactement les mêmes caractéristiques que nous autres, c’est-à-dire un petit sourire en coin un peu baveux avec un mélange de musique pop. Steeve (Veilleux, du groupe Kaïn) et moi, on est des gros fans des Eagles. Renée chantait du Glen Campbell. Gaston, c’est un gros fan de Crosby, Stills, Nash & Young et Emmylou Harris. C’est quand même drôle de voir que, chez nous, on s’échange des influences entre nous autres, mais qu’en plus, les disques qu’on écoute par nous-mêmes viennent de la même place.
Quand tu dis que vous vous échangez des influences entre vous, est-ce que cela veut dire que tout le monde se connaissait?
Exactement! Marcel travaillait avec Les Frères Bessette, Lévis Bouliane, Renée Martel, Bobby Hachey aussi. Après ça, Martel a écrit les chansons de Bobby Hachey. La mère de Gaston était une fan finie de Marcel Martel, ça jouait bord en bord dans maison! Steeve et moi, on a à peu près le même âge. Et qu’est-ce qui jouait à Drummondville? Andy Williams, Marcel Martel, Renée, etc. Renée, c’était la chanteuse de ma grand-mère. Moi, le mien, c’était Gaston. Je capotais sur Bobby Hachey aussi. Au début, ce sont eux qui travaillaient ensemble et qui s’échangeaient des trucs. Après ça, nous autres, on écoutait la musique de chez nous!
Et toi, plus concrètement, d’où as-tu puisé tes influences pour tes albums?
Sans m’en rendre compte, j’ai pris des inspirations d’où je venais, surtout pour l’album bleu, celui qui porte mon nom. « Boîte de chocolat », « Ver d’oreille », « Jamais pas du tout », c’est vraiment l’influence de Renée. […] « Vente de garage » et « Mon chandail de Rocky 3 », ça, c’est Gaston. Et celle-là, en duo avec Gildor Roy, c’était vraiment pour faire le lien avec Gaston vu qu’ils ont travaillé ensemble sur les albums de Gildor. J’étais en studio, j’enregistrais la chanson et je trouvais que l’influence de Gaston était vraiment prédominante. Je trouvais ça cool d’avoir Gildor, ça faisait une belle boucle. Mais, malgré ces influences-là, il y en a d’autres que c’est plus un mélange de tout ça, c’est vraiment moi, comme « L’automne » et « Cowboy en running ».
Crois-tu que chaque région a ses propres caractéristiques ?
Oui! Justement, on pourrait prendre ces mêmes analyses-là par région et ça serait la même chose. En Abitibi, tu prends les textes de Desjardins et La Chicane, ils ont quelque chose de plus « tough ›. Eux autres, ils sont dans le bois, dans les mines et ils ont vu leur monde asphyxié dans les trous de roche. La vie est plus dure. Ça se transmet dans les histoires qu’ils racontent. Au Lac, c’est une autre affaire. Y a-t-il vraiment une chanson de Paul Daraîche qui n’a pas le mot « mer » dedans?! Eux autres, en Gaspésie, ils se lèvent et ils voient la mer. C’est sûr que ça va être un sujet dominant. Nous autres, à Drummond, on a la 20 et la 55. La mer est pas là pantoute! Moi, c’est ça qui me fascine et qui me fait triper!
Ton plus récent album « Country-de-Drummond » regroupe des chansons tirées de la télésérie « Le country de Drummond » présentée sur les ondes d’ICI ARTV au printemps 2020. Peux-tu nous donner un peu plus de détails sur cet album?
Je suis très content d’avoir fait cet album-là. Ça c’est fait super rapidement, en une journée, parce qu’il y avait des caméras. L’objectif premier était d’avoir les prestations pour les émissions de télé. Alors, pour chaque chanson, on avait droit à un maximum de trois prises, sans « overdub ». Je voulais avoir une drive très brute, intemporelle et minimaliste comme les vieux albums. En plus, on a fait une seule pratique chez Sylvain Lamothe, le directeur musical, assis par terre dans son salon. On avait chacun une guitare acoustique, Julie Jasmin avait son violon et Francis G. Veillette, son banjo. Le batteur n’était même pas là! On a simplement déterminé qui jouait où et comment et c’est exactement ce qu’on a fait en studio.
L’idée était d’avoir sept chansons différentes! Pour faire le lien entre Marcel Martel et Kaïn, c’est quand même tout un défi! Je suis fier d’avoir fait le lien entre tous ces artistes-là. On commence avec Renée, ça finit avec Marcel et on est passé par Georges Hamel, Gildor Roy et Kaïn. Il y a Bobby Hachey à la toute fin avec « Mon sourire, ma limousine », mais elle, je l’ai refait chez nous plus dans le style de « Cowboy en running ».
En revisitant de cette façon des classiques de la musique country au Québec, quelle a été la réaction du public?
J’étais vraiment content parce que les gens qui connaissaient ces chansons-là ont adoré les réentendre dans cette façon très épurée et brute. […] J’ai reçu tellement de messages de jeunes de mon âge et en-dessous qui m’ont dit que ça les avait fait pleurer. J’ai aussi reçu beaucoup de messages de gens qui me parlent de « Prière d’un enfant » et « Un coin du ciel » et qui capotaient de réaliser comment c’était des belles chansons. Je suis très fier de ça.
Ta carrière en tant qu’auteur-compositeur-interprète a réellement décollé avec ta chanson « Je voulais marier Renée Martel ». Que signifie cette chanson pour toi aujourd’hui?
C’est une bonne question… Cette chanson-là va toujours être particulière, parce que non seulement, ça m’a ouvert des portes à faire mes propres chansons, mais aussi à trouver mon style d’écriture. Des chansons comme « Je voulais marier Renée Martel »,
« L’automne », « Cowboy en running », « Encore belle », ce sont toutes des chansons où le storytelling est important. Je trouve que ça définit mon genre à moi et je dis ça en toute humilité. « Je voulais marier Renée Martel », je me rappelle exactement du moment où je l’ai fait et comment. C’est arrivé dans ma tête d’un coup. Toutes les lignes sortaient et ça marchait tout seul. En plus, je trouve ça difficile d’écrire des chansons! Ha ha! J’étais donc bien content qu’il y en aille une qui sorte de même. Lorsque j’ai écrit la chanson, j’étais dans mon appartement à Greenfield Park. La première fois que j’ai rencontré Renée, peut-être un an plus tard, elle m’a dit que j’avais écrit la chanson exactement en arrière de la maison où elle a vécu pendant plusieurs années! Je savais pas ça du tout!
Comment le public a-t-il réagi à la chanson ?
C’est vraiment un coup de 2 X 4 dans la face du monde quand tu arrives sur scène et que personne te connaît, tu te présentes en disant : « Bonjour je suis Pascal Allard, le cowboy en running. Quand j’étais petit, Je voulais marier Renée Martel ». Le monde rit, mais quand je me mets à chanter, les gens réalisent que c’est une belle balade, que c’est pas niaiseux et que je ne ris pas de Renée. La chanson m’a permis d’établir mon style d’écriture, mais également le contact avec le public. Je sais que ce n’est pas une chanson forte au niveau de l’écriture, mais je sais que c’est une chanson puissante en spectacle. Ça fait 25 ans que je fais de la musique et je n’ai jamais vu ça.
Tu composes également pour d’autres artistes comme Manon Bédard, Karo Laurendeau, et plusieurs autres. Est-ce que ton processus créatif est différent lorsque tu écris pour d’autres personnes?
Oui! Dans le sens des mots et des mélodies. Avec Manon, on avait établi un son, une saveur et des thèmes précis pour l’album, donc je restais plus là-dedans. « Encore belle », une chanson sur l’alzheimer, c’est une demande de Manon. Elle a fait beaucoup de spectacles dans des résidences pour personnes âgées, donc elle voit des gens au prise avec cette maladie-là assez régulièrement. C’est une crainte qu’elle a, autant de voir son conjoint comme ça, qu’elle-même. Quand elle m’en avait parlé, je trouvais ça touchant. Aussi, Manon et moi, on n’a pas d’enfants. La chanson « Je n’ai pas d’enfants, je peux pas comprendre », c’est un sujet qu’on a twisté un peu pour le rendre loufoque. « Recette de famille », ça, c’est son histoire. […]
Je pense que la réponse simple, c’est de demander aux gens de quoi ils veulent parler. Je faisais ça autant avec Manon que Karo. Je pense qu’une de mes caractéristiques c’est la rythmique des mots. C’est peut-être ça qui va justifier mon utilisation des anglicismes ou du joual. Cette façon-là d’aller chercher un mot plus court ou un mot plus long à cause de la rythmique et de la groove. Si je regarde mon chum Irvin [Blais], j’aimerais ça parfois écrire comme lui. Je trouve que, des fois, mes affaires manquent de richesse parce que je suis plus axé sur la groove. Donc, oui je vais m’adapter pour écrire des sujets pour les autres, mais on va quand même retrouver ma touche à moi.
Questions en rafale
Qu’aimes-tu le plus de ton métier?
Jouer de la guitare.
Où rêves-tu de jouer ta musique?
En France. Eux autres, ils ont besoin d’apprendre c’est quoi le country ! Ha ha
Décédé ou vivant, avec qui rêves-tu de monter sur scène?
Gaston Mandeville.
Quelle chanson ne te lasseras-tu jamais d’écouter?
« Wouldn’t It Be Nice » des Beach Boys. Depuis que j’ai 5 ans que je l’aime! Tant qu’à moi, je ne me tannerai jamais! Ha ha
Pour terminer, que peut-on te souhaiter pour la suite?
Juste d’être bien.
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