Entrevue avec Guylaine Tanguay

Article : Annabelle Lacroix
Entrevue réalisée par Espace Country

Guylaine Tanguay, dont la renommée n’est plus à faire, a récemment lancé son nouvel album intitulé « Country » où, pour la toute première fois, elle co-signe plusieurs textes. Nous avons eu la chance de lui parler pour en savoir davantage sur ses nouvelles chansons et sur sa carrière.

Tu as fais partie de la tournée TD Musiparc, une série de spectacles présentés dans plusieurs ciné-parcs du Québec du 19 juin au 19 juillet. Comment qualifierais-tu cette expérience hors du commun? 

C’est quelque chose de bien agréable! On fait de la musique, donc on a du fun sur scène. Pour les gens, c’est sûr qu’il y a une petite adaptation à faire. Au début, quand ils ont préparé ce projet-là, tout le monde devait être enfermé dans leur voiture sans sortir. Il n’y a donc aucun son qui sort de la scène, car il n’y a pas de colonnes de son extérieur. Les spectateurs doivent écouter le spectacle avec leur radio. Mais là, avec le déconfinement, les gens se permettent un peu de sortir et de s’asseoir à côté de leur voiture. Donc, c’est vraiment une adaptation pour nous et pour eux! 

En général, les gens qui viennent, c’est parce qu’ils ont envie de se faire plaisir et de vivre quelque chose de différent. Ils savent très bien que ce ne sera pas comme dans une salle de spectacle ou dans un festival comme avant. Alors, les gens sont compréhensifs et tu vois qu’ils veulent s’amuser! Nous autres, on est bien contents, car on se retrouve sur scène. Évidemment, c’est un peu plus difficile, car on est habitués d’entendre les gens, d’entendre leur réaction, de les entendre chanter, de les voir chanter. C’est vraiment tout un changement, mais on est dans le changement en ce moment. On prend ce qui a à prendre et puis on oublie le reste! 

Dans ta carrière, tu as joué dans de nombreux pays, dont en France, au Japon, en Égypte, en Israël et j’en passe. Quel est ton plus beau souvenir de voyage associé à une tournée? 

J’ai beaucoup aimé faire les tournées pour les Forces armées canadiennes il y a plusieurs années. Je ne peux pas nommer un endroit particulier parce que chaque endroit avait sa petite touche spéciale, mais c’est surtout ce genre de spectacle-là. On arrivait et les soldats nous attendaient. On était tellement bien reçus. Ils avaient besoin de ce contact-là. On était comme de la visite rare, des gens avec qui ils pouvaient jaser de leur vie de tous les jours. C’était un endroit, c’est bizarre à dire, mais où on se sentait vraiment utiles et importants. Et ça, il faut le faire pour le comprendre parce qu’on ne peut pas s’imaginer à quel point ces gens-là sont isolés. 

Par exemple, à Alert et à Goose Bay dans le Grand Nord canadien, ce sont des bases vraiment retirées de la civilisation. Ils doivent se former une mini-société. Tu as ceux qui sont là pour effectuer leurs travaux de recherche, mais tu as aussi cuisinier, mécanicien, électricien, infirmier, médecin, etc. […] Je dirais que ce sont des voyages très importants dans mes souvenirs. Ils sont riches et précieux.

En 2003, tu as décidé de faire un important virage dans ta carrière et de revenir à tes racines ; la musique country. Que s’est-il passé à ce moment-là?

J’avais sorti un album plus pop juste avant ça en écoutant un peu les conseils des gens. Ils me disaient que je ne devais pas faire du country, que ça ne marcherait pas, que je ne jouerais pas dans les radios, ni à la télé. Évidemment, on recule dans le temps. Aujourd’hui, ce n’est plus comme ça. À l’époque, il y avait beaucoup de préjugés envers la musique country. Alors j’ai écouté et cet album-là a connu, disons, un très petit succès… Ha Ha! J’en ai vendu plus dans ma famille qu’ailleurs! J’ai écouté le monde qui me disait qu’il fallait que je fasse comme ça et pourtant, je n’ai pas eu de plaisir et pas beaucoup de succès. Alors, je me suis dit aussi bien de faire à ma tête avec la musique que j’aime! Comme ça, si je n’ai pas tant de succès, au moins, je vais avoir du plaisir! Alors j’ai décidé de revenir à la musique country.

En mai dernier, tu as lancé ton 15e album en carrière intitulé « Country ». Peux-tu nous parler un peu plus de cet album?

J’en suis très fière! J’ai travaillé avec mon directeur musical Sébastien Dufour à la réalisation et aux arrangements. Sébastien me connaît vraiment très bien. On travaille ensemble depuis très longtemps. Il sait ce que j’aime, ce que je n’aime pas, ce que je veux comme énergie musicale et tout. C’est la première fois que je travaillais avec lui sur un album et je lui ai dit qu’il fallait que ça me ressemble. Il fallait qu’il trouve le son et l’énergie « Guylaine Tanguay ». Je voulais avoir un country qui était très vivant, très lumineux, un peu raffiné aussi. Je le voulais intense mon country parce que j’aime ça qu’il y ait un peu de caractère dans ma musique. Sébastien a tout compris ça parce qu’il me connaît très bien. C’est lui qui fait tous les arrangements pour mes spectacles. En plus, je voulais avoir des chansons originales sur cet album-là : 50% de reprises et 50% de chansons originales. Alors, j’ai demandé à Jonathan Godin, qui est un gars dans la musique country que je connais depuis longtemps, d’écrire pour mon album. […] Je lui ai donné tout plein de sujets qui sont vraiment moi, actuellement. Je voulais être dans le présent et raconter ce qui se passe dans ma vie. 

Peux-tu nous raconter comment s’est passé votre toute première collaboration à Jonathan et toi? 

J’ai commencé par faire un test avec lui et je lui ai demandé s’il pouvait me faire une chanson en lien avec les danses de musique country, car les gens adorent danser. C’est très beau à voir parce qu’il y a des bons danseurs et des jeunes danseurs aussi maintenant. Alors, il m’a fait une chanson là-dessus. Quand j’ai reçu la chanson qui s’appelle « Donnez-moi un Tush Push », qui est une sorte de danse de musique country, je me suis dis que c’était très bon et qu’on allait de l’avant! 

Tu co-signes pour la toute première fois les textes de plusieurs d’entre elles, soit « La chasse », « J’ai chaud », « L’incontournable » et « Allez venez danser ». Peux-tu nous raconter l’histoire derrière ces chansons?

« La chasse » 

Je voulais également parler de la chasse parce que c’est un sujet qui est souvent abordé par les hommes dans la musique country, mais jamais par les femmes. Et souvent, quand les hommes parlent de la chasse, c’est pour dire à quel point ils ont hâte et qu’ils pourront enfin sortir de la maison avec leurs boys! Moi, c’est une autre approche parce que je déteste ça! Je viens d’un petit village au Lac-Saint-Jean et je suis née en septembre, dans le plus gros de la chasse. Alors, quand j’étais jeune, mon village se vidait et tout le monde s’en allait lorsque c’était ma fête! Je trouvais ça tellement plate. Je voyais mon père, mes frères, tout le monde se préparait et ils avaient tellement hâte d’y aller! Jonathan a donc écrit une chanson là-dessus, mais je trouvais qu’il parlait encore un peu trop « en gars ». Je lui ai donc demandé la permission pour retravailler un peu la chanson qui s’appelle « La chasse » tout simplement. 

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« J’ai chaud »

Il y a un autre thème qui est très important dans ma vie en ce moment et dont je voulais aborder ; la ménopause. Des humoristes comme Clémence Desrochers et Lise Dion abordent ce sujet-là, mais jamais les chanteuses. C’est un sujet un peu tabou. Je voulais en parler parce que, souvent en spectacle, ça me pogne et j’ai chaud! La chanson s’appelle « J’ai chaud » parce que c’est l’histoire de ma vie en ce moment! Ce texte-là aussi je l’ai un peu travaillé avec Jonathan. 

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« L’incontournable »

Durant les années passées, on a soutenu ma belle-mère, la mère de mon mari, dans un cancer. Dans la dernière année, on l’a supportée vers la mort parce qu’elle est décédée au mois d’août dernier. Donc, on était avec elle vers la fin, on savait que ça s’en venait. Je voulais avoir une chanson pour parler de ceux qui restent, les conjoints, les conjointes, comme mon beau-père  qui a passé la plus grande partie de sa vie avec elle. Je voulais parler de comment cette personne se refait une vie. On l’a vu à travers lui. Ce n’est pas simple quand tu as passé 50 ans de ta vie avec une personne et que du jour au lendemain, tu te retrouves seul.e dans ta grande maison. Tout ce qui reste, ce sont des souvenirs. J’ai retravaillé un peu le texte aussi avec la permission de Jonathan. 

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« Allez venez danser » 

Je voulais avoir une chanson qui représentait le Lac-Saint-Jean, mais aussi qui représentait les régions. Dans les régions, on a souvent des grandes familles et on est habitué de faire des partys. J’ai été élevée là-dedans! On pouvait se dire qu’on allait faire une petite soirée de cartes et de musique et finir 30, 40, 50 et même 70 personnes! C’était pas rare. On faisait les partys chez ma grand-mère qui avait des chaises pour tout le monde. On ajoutait des tables, des nappes et puis c’était le party! Alors, je voulais quelque chose qui représentait ça et où on retrouvait aussi toutes les générations. Mes filles, quand elles viennent à Saint-Jean, elles sont habituées à ça aussi. Jonathan m’a proposé un texte, mais ce n’était pas assez région pour moi. Alors, j’ai réécris le texte, avec sa permission bien sûr. Ça s’appelle « Allez venez danser » et c’est vraiment 100% région! 

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On retrouve également ta toute première collaboration en studio avec ta fille Mary-Pier pour la chanson I’m Your Mother. D’ailleurs, c’est elle qui signe les paroles et la musique de cette chanson très touchante. De quoi parle-t-elle? 

Au départ, on devait avoir que des chansons en français pour cet album-là et un jour, on a vécu quelque chose de difficile avec ma plus vieille Marilyn qui vit à Whistler. Elle m’appelait et me racontait sa vie qui n’était pas simple. Comme on était loin, on se parlait beaucoup au téléphone et Mary-Pier entendait ces conversations-là. […] Elle est arrivée avec cette chanson-là et on a braillé notre vie. J’ai envoyé la chanson à Marilyn et je lui ai demandé si elle acceptait qu’elle se retrouve sur l’album parce qu’il faut parler de ce sujet-là. Ma fille a appris qu’elle était bipolaire. Elle a toujours cherché pourquoi c’était si difficile d’être bien, d’être heureuse, mais pas juste quelques petits moments, être heureuse tout le temps. J’avais un doute que ça pouvait être ça et je lui en avais parlé. Je suis sa mère, mais ce n’est pas une raison pour m’imposer. Une fois que c’est dit, c’est à elle de faire les pas et d’aller demander de l’aide. Un jour, elle en a eu assez parce que c’était devenu trop difficile. Elle est allée au plus bas de ses émotions. Elle a eu le diagnostic enfin et elle a de l’aide maintenant, c’est nouveau et elle travaille ça tous les jours de sa vie, c’est un gros défi maintenant.  

Quand on a jasé ensemble de cette chanson-là, j’ai dit à Marilyn que c’est un sujet un peu tabou. Personne ne veut parler de ça parce que le mot « maladie mentale » fait peur à bien des gens. Justement, si on en parle, ça va peut-être devenir plus commun dans le langage des gens et ça va faire moins peur d’en parler. J’ai reçu plein de messages sur Facebook de gens qui me disent : « Merci d’en parler. Mon fils ou ma fille a quelque chose de différent un peu des autres et on a toujours eu peur d’en parler même dans notre famille parce qu’on sent du jugement. Avec cette chanson-là, on va être capable de s’exprimer maintenant. » Alors, pour moi, elle a une grande place et je pense qu’elle a un grand mandat aussi dans la vie. Et elle est bien importante.

Durant la dernière année, tu t’es vue confier les rênes de la nouvelle émission Tout simplement country présentée sur les ondes d’ICI RADIO-CANADA. Comment as-tu trouvé ton expérience? 

J’ai adoré ça! Au tout début, j’ai bien expliqué à l’équipe que je n’étais pas une animatrice, mais une chanteuse. Par contre, je suis d’abord et avant tout, une personne qui aime le monde et les rencontres. Donc, on y est allé dans cet esprit-là et, de toute façon, c’est un peu l’esprit de la musique country. Au niveau technique, j’ai demandé quelques explications parce que je ne voulais pas retarder les tournages. Je suis une personne qui aime beaucoup que ça roule dans la vie. Un coup que j’ai su comment ça fonctionnait en gros, là je me sentais à l’aise et j’ai été moi-même. […] Ça n’a pas été long que c’est devenu une belle histoire d’amitié et de famille sur le plateau. Tout le monde était très à l’aise. J’ai aussi imposé ma façon de travailler au niveau des artistes. C’est-à-dire que l’équipe voulait un peu m’épargner les longues journées en me disant que je pouvais arriver un petit peu plus tard sur le plateau pour ne pas que je m’épuise. Mais moi, ce que j’aimais faire, c’était arriver avant les artistes et pouvoir les recevoir, comme si c’était de la visite. On a eu un plateau très vivant et bien simple. 

La deuxième saison devait s’enregistrer au mois de mai dernier. Évidemment, ça a été reporté. On va enregistrer au mois d’octobre. Cette année, je voulais avoir un peu mon essence à moi dans l’émission. J’ai donc demandé si on pouvait avoir quelques-uns de mes musiciens sur scène pour que je me sente encore plus chez moi. Alors, Sébastien Dufour sera là comme directeur musical pour l’émission. Mon batteur François Fortin et mon bassiste Samuel Cournoyer seront présents également. […] Je veux que ce soit une histoire de gang alors je veux que le plateau télé devienne aussi mon histoire de gang

Questions en rafale 

Qu’aimes tu le plus de ton métier?

Les rapports humains! Chanter pour moi, ce n’est pas quelque chose que je peux faire seul. Je ne chante pas chez nous, je ne chante pas dans mon auto. Je n’ai pas de plaisir à faire ça. Dans mon métier, c’est vraiment le côté humain que j’aime et j’en ai eu la confirmation pendant qu’on était tous coincés dans la maison.

Pour toi, quel est le prix le plus important que tu aies reçu?

Ah mon dieu! Dernièrement, j’ai reçu mon premier trophée à vie du CCMA (Canadian Country Music Association) qui est le prix du meilleur vendeur canadien pour le 3764 Elvis Presley Blvd. Je ne m’attendais pas du tout à ça. C’était mon premier trophée, alors je l’ai déposé fièrement sur ma tablette de foyer. En fait, un trophée, ça ne change pas une vie. Par contre, ce qui était important pour moi là-dedans, c’est lorsque j’ai réalisé à quel point il y avait des gens qui s’étaient déplacés pour acheter un album de Guylaine Tanguay. Ça veut dire qu’ils l’ont, qu’ils l’écoutent peut-être chez eux, dans leur auto, dans leur motorisé. Aujourd’hui, on dit tout le temps qu’on en vend plus et que c’est difficile. Pour moi, c’est une première et c’est vraiment quelque chose de significatif.

Où rêves-tu de jouer en spectacle?

J’aimerais un jour chanter au Grand Ole Opry à Nashville. J’aimerais vraiment ça aller faire, ne serait-ce qu’une chanson, parce que c’est en lien avec les légendes de la musique country.

Quelle est la chanson que tu aurais rêvée écrire?

Ah mon dieu oui! En français, ce serait Perce les nuages. Pour moi, c’est un grand texte. C’est quelque chose que je pourrais dire et chanter à tous les jours. Pourtant, ce n’est pas un texte qui est compliqué, mais oui, si j’avais écrit ça, je serais vraiment fière. 

Décédé ou vivant, avec qui rêves-tu de monter sur scène?

Avec Vince Gill! C’est un chanteur country américain qui chante merveilleusement bien et un jour mon rêve le plus fou combine deux questions, c’est-à-dire chanter avec lui au Grand Ole Opry.

Pour terminer, que peut-on te souhaiter pour la suite?

J’aimerais juste que les gens suivent les règles encore un moment pour que l’on puisse nous, les artistes, reprendre notre travail de façon régulière pour que les gens puissent assister à un spectacle comme avant et que l’on puisse se retrouver sur scène le plus souvent possible aussi. C’est mon souhait le plus sincère en ce moment.

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